ce n’est pas la même chose de dire « frère » et de dire « frère mineur »

PAPE FRANçois

« nous voulons d’abord partager une amitié, une joie simple d’être ensemble »

On associe souvent saint François d’Assise à la pauvreté. Pourtant, dans ses écrits, François est plus sévère envers le pouvoir, ou plutôt la richesse n’est qu’une déclinaison que prend notre esprit de domination sur les autres. « Sur aucun homme, mais surtout sur aucun autre frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination. Comme dit le Seigneur dans l’Évangile, les princes des nations leur commandent, et les grands des peuples exercent le pouvoir ; mais il n’en sera pas de même parmi les frères : qui voudra être le plus grand parmi eux sera leur ministre et serviteur, et le plus grand parmi eux sera comme le plus petit » (Règle de 1221 5,9-12). L’esprit de minorité, c’est aborder les personnes par le bas, sans leur faire peur, sans d’emblée les juger avec nos critères. Ce n’est pas arriver avec nos certitudes sur Dieu, sur la société, sur le péché d’autrui… et les asséner d’en haut ou de l’extérieur. C’est commencer par faire un bout de chemin ensemble. Si Dieu nous a mis sur la route les uns des autres, c’est qu’il y a une richesse insoupçonnée à découvrir pour chacun. Avant d’être des pères spirituels, des éducateurs à travers nos homélies, des accompagnateurs, nous voulons d’abord partager une amitié, une joie simple d’être ensemble, une profondeur pour nous aider mutuellement à vivre en hommes et femmes plus libres et plus vivants. L’image évangélique qui me vient est celle du lavement des pieds. Dieu ne choisit pas de venir vers nous avec tambours et trompettes pour nous écraser de sa puissance. Au contraire, il se met à genoux, à nos pieds, il les lave, les essuie, geste réservé à l’époque aux esclaves. Lui le Très-Haut se fait le Très-Bas, jusque sa mort sur la croix. Comme « mineurs », nous avons fait le choix non seulement de ne rien posséder en propre, mais également de chercher à ne nous prévaloir d’aucun pouvoir sur d’autres êtres humains. Sans illusion bien sûr : souvent notre éducation, notre milieu d’origine, la sécurité qu’offre la fraternité nous colle à la peau. Mais comme « frères », notre vie nous invite à nous accueillir les uns les autres au-delà des incontournables conflits liés à nos différences de milieu, d’âge, d’éducation. « Frères mineurs » est à la fois notre ADN et notre projet de vie car ce chemin de minorité est toujours à rechoisir, toujours à reprendre.

Notre fr. Frédéric-Marie Le Méhauté ofm, est l’auteur de l’ouvrage « François et la miséricorde, servir sans dominer ? » paru aux Editions Franciscaines en 2017.

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Fr. Stéphane Delavelle ofm est au Maroc à Meknès, il vit l’expérience de la minorité en terre d’Islam. Une minorité qui est lieu de rencontre avec Dieu…

« L’autre, mon semblable a tellement de prix aux yeux de Dieu que je désire m’en réjouir profondément »

PAR FR. BATITTE MERCATBIDE OFM

On raconte qu’un jour où les frères relisaient leur règle de vie, saint François lui-même interrompit le lecteur pour déclarer : « je veux que notre fraternité s’appelle l’Ordre des frères mineurs »

Plus de 800 ans après l’appellation est la même : Ordre des frères mineurs. François a clairement voulu que nous soyons des frères et des mineurs. Le sommes-nous pour autant ? Le suis-je pour autant ?…pas si sûr, et pourtant…En clair il s’agit plutôt d’apprendre à vivre comme un frère de tous et de chacun ; et comme un mineur.  Majeur, mineur : mots qui servent à comparer, voire à se comparer. Peut mieux faire pour un chrétien…Pour moi être un mineur, un frère mineur, c’est apprendre à vivre humblement et avec patience. Accueillir l’autre, connu ou inconnu, non pas pour ce que je souhaite qu’il soit pour moi mais pour ce qu’il est. Sympathique ou antipathique : j’ose dire peu importe. Apprendre à l’accueillir – ça se travaille et ça se prie – et en fait apprendre à l’aimer pour lui-même. Cultiver l’esprit de minorité  aide à cela. C’est comme un parti-pris : l’autre, mon semblable a tellement de prix aux yeux de Dieu que je désire m’en réjouir profondément. En l’accueillant, c’est quelque chose de cela qui se manifeste.

Je remarque comment réjouissant pour moi est le plaisir d’être avec des gens que je qualifie avec respect de tout simples. Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs simplifiés certainement par les épreuves de la vie. Me réjouir d’être là avec eux, ces gens qui sentent l’humilité, voilà ma joie. Nous réjouir entre frères d’être là avec eux, et pas seulement parce-qu’à son époque déjà François d’Assise nous invitait à avoir le goût d’être parmi eux. On me dit opiniâtre. Soit. Je sais d’où je viens surtout; d’un milieu social où les gens ont souvent eu à courber l’échine face aux notables en tout genre. Mais des gens dont rien ni personne cependant ne peut ôter la dignité. Par ailleurs, je sais assez ce que signifie que de choisir alors que tant de nos contemporains subissent, eux, ce qu’ils n’ont pas choisi d’être ni de vivre. Je ne parle pas seulement des exilés auprès desquels je me rends présent, ici à Marseille, mais aussi de ceux qui cherchent à tenir le coup dans ce monde si âpre. Oui, accueillir tout cela dans la confiance pour continuer d’apprendre à vivre en frère et en mineur à la suite de Jésus.