La création en habits de fête

Le confinement du printemps 2020 a été une bénédiction pour les oiseaux. Cela faisait longtemps que je n’avais plus vu autant d’espèces différentes concentrées sur un territoire restreint. Je découvrais autour de la Cordelle un biotope particulièrement riche : vieux murs de pierres sèches, chemins champêtres bordés de haies, cultures et pâtures, bosquets, vignobles… Mon âme d’ornithologue s’est réveillée, j’ai commencé à noter mes observations, j’ai recensé à ce jour 70 espèces différentes, dans un rayon de 2-3 kilomètres autour de chez nous. 

Cette année, le réveil est plus tardif. Début mai, aux premières chaleurs, enfin, les oiseaux se lâchent ! C’est à qui fera la plus belle preuve de sa capacité de séduction. En tête du hit-parade, il y a frère rossignol, chaque année fidèle au même bosquet. La nuit, on n’entend que lui, de loin : un timbre magique.

D’autres, plus discrets, largement méconnus, ne méritent pourtant pas moins d’attention. Ainsi, j’avais identifié trois espèces de bruants. J’en repère un, au sommet d’un vieux noyer. Il est tout à son affaire : gorge déployée pour sortir sa ritournelle à puissance maximale, port tendu, queue redressée. Il s’agit de défendre son territoire. J’ai un doute : s’agit-il du bruant proyer (voir photo) ou du bruant jaune ? Je veux en avoir le cœur net. J’ai appris à me servir de mon Smartphone : je lui demande le chant du bruant proyer. Bingo ! Pas de doute, c’est bien lui ! Le chant qui sort de mon appareil est l’exacte réplique de celui qui s’époumone à une vingtaine de mètres de moi. J’augmente le volume : comment va-t-il réagir ? Frère bruant – le vrai, pas celui de mon Smartphone – m’offre alors un spectacle surprenant : illico il quitte sa branche et descend dans ma direction à toute allure, termine par un magnifique vol plané et se pose sur un arbrisseau à deux mètres de moi ! A-t-il flairé un rival potentiel ? Sa conclusion ne tarde pas : je ne suis qu’un simple humain, pas de congénère dans les parages… Et il s’en retourne, rassuré, au sommet de son noyer !

Je suis ébloui par cette intelligence, ce langage propre à nos frères les oiseaux. Touché aussi de cet honneur qu’il m’a fait. Me revient à l’esprit l’amour de François pour nos sœurs les alouettes, proches du bruant par l’humilité de leur plumage, couleur de terre.
Notre environnement naturel, la beauté des paysages tout autour de la colline de Vézelay, la richesse encore – relativement – préservée de sa biodiversité sont un trésor à partager, sans modération. De là est née l’idée de célébrer nos temps forts – Noël, Pâques, Saint François – en pleine communion avec la création, sœur notre mère la Terre, sœur Lune et les Etoiles, frère Feu qui illumine la nuit. La célébration de « Pâques à l’aube » s’inscrit dans cette intuition. Cette année, le froid et l’herbe mouillée n’ont pas refroidi les ardeurs des nombreux participants, dont une famille avec quatre mouflets. J’admire les astuces du papa pour les réconforter et les réchauffer, en attendant le retour de frère Soleil qui brillera « avec grande splendeur » quelques heures plus tard. 

Pour capter ces splendeurs et les faire remonter en action de grâce à leur Auteur, des attentions particulières sont requises. Ainsi, l’apprentissage du silence, tant extérieur qu’intérieur, pour affiner notre écoute, aiguiser notre sens de l’observation. Entendre le chant de la création, cela se mérite. Mais que de joies quand sa musique nous saisit !

Fr. Patrice KERVYN, OFM