HOMélie de la saint-françois à Brive par le frère henri namur, ofm

Frères et Sœurs, en ce dimanche, chacune des trois lectures nous invite à rendre sans compter ce que nous recevons gratuitement de la part de Dieu. C’est ainsi que dans le livre d’Isaïe il nous est demandé de : donner de beaux fruits qui réjouissent le cœur de Dieu et de l’homme » ; Dans la lettre de St Paul aux Philippiens St Paul attend de nous que nous « mettions en pratique ce que nous avons vu et entendu du Seigneur » ; Dans l’évangile c’est le Seigneur qui nous avertit qu’il enlèvera le Royaume des mains de ceux qui veulent le prendre de force pour le confier « à ceux qui lui feront porter du fruit »…

S’il y a un saint qui, dans l’Eglise, a accueilli dans sa vie la gratuité et l’humilité de l’amour de Dieu, en lui faisant porter un fruit plein de saveur évangélique, c’est bien le petit frère d’Assise que nous fêtons aujourd’hui en ce 4 octobre. François est ce petit frère tout entier en émerveillement devant la Création et l’œuvre de Dieu. La création, dans l’esprit de François, c’est nous et tout le cosmos, c’est nous et toutes les créatures animées et inanimées, tous unis par les liens fraternels fondés dans notre origine commune en Dieu Créateur. Toute la Foi de François se manifeste dans son attitude d’infini respect envers la création et les créatures. Dans sa fraternisation avec tout le créé, François accueille non seulement son Créateur, mais il fait de la création et des créatures un chemin pour aller vers Dieu, un véritable itinéraire.
 St Bonaventure, ressaisissant l’expérience mystique de St François, considère que sur cet itinéraire de l’homme en marche vers Dieu et en Dieu, nous ne sommes pas seuls car toute la création nous est donnée pour accompagner notre voyage de retour auprès du Père des Cieux. De fait, la Création assure auprès de nous une authentique présence fraternelle qui exige, en retour, que nous cessions de l’exploiter dans une quête incessante d’un profit toujours plus grand et égoïste. En fait, nous sommes appelés à tisser avec elle des liens fraternels car, nous dit St Paul « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu »… ce qui, en clair, veut dire que c’est bien nous qui sommes la voix et la louange de la Création !

Bien sûr, c’est surtout dans le « Cantique des Créatures » composé par François à la fin de sa vie que nous touchons au plus près l’expérience réconciliée et joyeuse de frère François envers la création. Ce cantique est une véritable action de grâce envers le Créateur, un Créateur dont François nous dit que de Lui nous vient tout bien et que sans qui il n’y aurait aucun bien … Méditant sur l’expérience réconciliée et joyeuse de St François avec la Création, St Bonaventure compare l’univers créé à un livre ouvert  dans lequel Dieu se donne à connaître, un livre que nous ne savons plus bien lire à cause de notre péché, un livre que nous réapprenons à lire dans la lumière de l’Incarnation, de la Passion et de la Résurrection du Christ.
Vous le voyez, chez le petit frère François d’Assise nous sommes loin d’une sensibilité simplement esthétique envers la Création ! Pour nous en convaincre il suffit de nous rappeler que c’est un François souffrant et presque aveugle qui chante la beauté du monde, reflet de la bonté de Dieu pour l’homme depuis toute éternité.
Dans son message pour la journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, le Pape François nous rappelle en termes tout simples que « La Terre mérite que nous en prenions soin parce c’est aussi la maison que Dieu a voulu habiter et où sa Parole s’est faite chair ».

Un des traits majeurs du petit pauvre d’Assise se retrouve dans l’exclamation du seigneur : « Père, je proclame ta louange, ce que tu as caché aux sages et aux savants tu l’as révélé aux tout-petits » Ne nous y trompons pas, Dieu n’a aucune intention de nous cacher quoi que ce soit. Bien au contraire il nous a tout révélé et donné dans sa création et dans l’Incarnation de son Fils.  Simplement, Dieu ne s’impose pas ! Dieu respecte profondément notre liberté en laquelle il nous a créés. C’est pourquoi il se révèle uniquement aux cœurs qui lui sont accordés, aux petits qui ne sont pas pleins d’eux-mêmes, aux cœurs purs… ! François fait partie de ces petits dont parle l’Évangile… Touché au plus profond par l’humilité de la crèche et de la croix de notre Seigneur, François a compris que, pour être grand selon le Royaume de Dieu, il importe d’être petit et serviteur comme le Seigneur lui-même qui, pour nous, s’est fait le serviteur de nos vies. C’est cette humilité de Jésus qui conduira François au désir de la minorité. L’Ordre qui naîtra de lui par l’Esprit-Saint s’appellera « Ordre des Frères Mineurs », « frères mineurs », c’est le vrai nom des franciscains, un nom qui induit une manière d’être petit et fraternel, proche de toute créature à cause de Dieu.

Considérant combien notre société est trop souvent dure et méfiante, je ne peux, en concluant, que reprendre cet appel de frère François à la fin de sa vie :  « frères, jusqu’ici nous n’avons rien fait, commençons ! »… Commencer, c’est accueillir l’aujourd’hui de Dieu ; commencer c’est laisser l’Esprit-Saint faire toutes choses nouvelles en nous et par nous ; commencer c’est retrouver le chemin de la Création et de la fraternité, un chemin qui passe par le pardon et la réconciliation…, un chemin qui fait de nous tous des frères et sœurs selon le beau titre de la troisième encyclique publiée ce jour-même par le Pape François « Fratelli tutti – Tous frères ». Le Pape François nous y révèle que la fraternité, si chère au coeur du Poverello, « contribue fortement à promouvoir la protection de notre propre vie comme celle de nos relations avec la Création et les autres ».

Seigneur, dans la célébration de cette Eucharistie, nous te prions de tout cœur: donne-nous, à la suite de frère François, d’être signes de cette création nouvelle dont nous sommes les humbles artisans. Donne-nous audace, et courage pour exprimer dans notre quotidien notre proximité fraternelle envers toute la Création et toutes les créatures. Donne-nous de commencer et recommencer sans cesse,  Toi en qui nous mettons toute notre Espérance, Toi qui, selon les mots mêmes de frère François,  « nous dit et ne nous veut que du Bien et tout le Bien »…

Brive, le 4 Octobre 2020                          Fr Henri Namur, ofm