« Après que le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon le saint Évangile ».  Saint François d’Assise

VIVRE EN FRÈRES ?

PAR FR. HENRI NAMUR OFM

Cela relève de l’aventure et de la conversion quotidienne. C’est d’abord une expérience de foi  en un Père commun, un Père que nous découvrons ensemble, un Père source de toute bonté qui nous constitue comme frères. Notre vie en frères fait signe de « Notre Père ».  Elle est le fruit de notre consentement à nous laisser convertir au creuset même de cette vie fraternelle. Elle est la traduction en actes de ce à quoi les vœux évangéliques nous appellent. Le dynamisme libérateur des vœux de pauvreté, obéissance et chasteté vient tisser en nous un être fraternel.  

L’expérience du vœu de pauvreté nous ouvre à une désappropriation de ce qui en nous est trop plein de nous ou des richesses de ce monde. Elle nous apprend chaque jour à devenir pauvres de nous-mêmes, nous ouvrant ainsi peu à peu à la richesse de Dieu et des autres.

L’expérience du vœu d’obéissance nous ouvre à une écoute de Dieu et des autres.  Obéir c’est renoncer à notre volonté propre pour nous ouvrir à l’obéissance de Jésus « Père, non pas ma volonté mais la tienne.’ L’obéissance fraternelle est une belle façon de nous laisser patiemment ajuster à Dieu et aux autres et de devenir ainsi pleinement libres et nous-mêmes.

L’expérience du vœu de chasteté nous conduit à la désappropriation de notre toute-puissance en convertissant notre désir possessif en un désir oblatif. Ce passage nous nous permet de construire nos relations à nous-même, aux autres, au cosmos dans la reconnaissance radicale des différences.

Finalement, vivre en frères c’est témoigner de celui qui est l’unique « propriétaire » de la Création et des Créatures, celui en qui nous avons désormais tout en commun ; c’est prendre au sérieux la croix du Christ en renonçant à toute domination ; c’est, en bons gérants de la Création, travailler aux relations fraternelles dans le monde. Ce vivre en frères est au cœur de ma vocation franciscaine comme il l’a été d’abord pour François qui, voyant des compagnons le rejoindre, les a accueillis comme don de Dieu pour vivre du saint Evangile. Cela me comble, cela nourrit mon espérance et me fait louer Dieu qui pourvoit à notre vie selon l’Evangile en nous donnant les uns les autres comme frères.

« C’est d’abord une expérience de foi  en un Père commun« 

« FRÈRE » par le Fr. Michel hubaut

Par quel étrange paradoxe, notre République française laïque a-t-elle été emprunté ce terme de “Fraternité”, qu’elle a fait graver sur tous les frontons de ses monuments publics, dans l’héritage du christianisme ? 

Elle veut sans doute dire “solidarité”, car elle ne peut pas dire plus. Or, il n’y a pas de “fratrie” sans une parenté commune. Vivre comme un frère, c’est donc discerner en tout homme une origine commune, une source transcendante qui fonde sa dignité que chacun nomme selon sa croyance. Comme je crois au message du Christ Jésus, elle s’appelle pour moi : “Dieu-Père”, créateur. Dire “frère”, c’est donner à l’homme son plus beau titre de noblesse. Vivre comme un frère sera donc refuser toute forme de racisme, d’exclusion, d’injustice, se vouloir, comme saint François, “Frère universel”. Considérer tout homme, quelle que soit sa race, son rang social, comme un être unique qui mérite plus que le respect, mais un “amour fraternel”. La Fraternité est le seul chemin d’une véritable humanisation. Aimer son frère, plus aujourd’hui et davantage demain, est la seule aventure qui respecte l’identité de l’homme. Seul, l’amour peut sauver notre humanité.

Notre fr. Michel Hubaut ofm est l’auteur de nombreux ouvrages et un prédicateur infatigable ! Il a collaboré à La Croix ou encore Prier. Dans son ouvrage « Quand Dieu prend visage d’homme », il nous propose une méditation sur le mystère de l’Incarnation.