Large sourire, regard pétillant, parole entraînante, casquette de baseball vissée sur la tête et guitare sous le bras, Fr. Sandesh Manuel, indien d’origine, a de quoi surprendre. Si vous ne l’avez pas croisé lors d’un concert, vous l’aurez peut-être remarqué dans une vidéo YouTube ou une “story” Instagram ! Coup de projecteur sur une étonnante vocation franciscaine…

Tout a commencé sur YouTube il y a quelques années. Fr. Sandesh, partageait alors ses homélies ainsi que des chansons pour enfants. Aujourd’hui, ce qui était une activité annexe est devenu une mission à temps plein. “J’ai 150 000 abonnés sur YouTube. Je fais mes vidéos en langue indienne, allemande, anglaise. Je joue de la guitare ou du rap, je parle de sujets religieux… À travers mes vidéos, j’essaie de faire renaître un désir de religion chez les gens et grâce aux réseaux, je peux atteindre beaucoup de monde.” Car au-delà des réseaux, c’est un enjeu missionnaire qui se joue pour ce frère également secrétaire pour l’évangélisation de sa Province Saint-Léopold d’Autriche.

UNE VOCATION MISSIONNAIRE
“Je pourrais me contenter de dire la messe et de donner le sacrement de réconciliation, mais je veux aller en dehors de nos cercles, atteindre de nouvelles personnes et leur parler de saint François et de Jésus”, lance-t-il avec énergie. Au cœur de sa vocation, derrière les instruments et les écrans, se lit un profond désir missionnaire. “Cette activité me prend beaucoup de temps mais je crois que c’est ma vocation : dire haut et fort que j’aime Jésus et la spiritualité franciscaine.”
Fr. Sandesh est lucide sur la situation actuelle, amplifiée par la crise du Coronavirus. “La pandémie nous a appris que l’Église devait être présente en ligne. Et nous chrétiens, nous avons de beaux messages à donner au monde ! Alors je veux en faire partie, y ajouter du contenu. On n’a qu’à dire que je suis un “social media missionary” (missionnaire des réseaux sociaux) !” ajoute-t-il dans un rire spontané.

LA MUSIQUE POUR CASSER LES BARRIÈRES
En 2014, Fr. Sandesh rejoint les frères de la Province d’Autriche. “Quand mon provincial m’a demandé si j’acceptais d’être envoyé à Vienne, je lui ai répondu : “Ok si c’est pour étudier la musique !”. Il y a quelque chose de très franciscain dans la musique car elle permet de casser les barrières”, raconte ce frère artiste. “À travers le rap par exemple, je cherche à rejoindre les personnes, en particulier les jeunes qui ne fréquentent pas l’Église.” Et si cela implique d’expérimenter de nouvelles manières d’évangéliser, celui qui se définit comme un franciscain “out of the box” (littéralement “hors de la boîte”) ne craint pas d’apporter “un peu de vent frais dans les églises !”

CONCILIER TRADITION ET OUVERTURE
“Dans l’Évangile selon saint Matthieu, le Christ nous invite à regarder les “signes des temps” (Mt 16,2-3). Aujourd’hui, l’Église doit continuer à évoluer au regard de ces signes.” Avec le regard extérieur qu’il porte sur le continent européen, Fr. Sandesh remarque que les prêtres renvoient une image souvent trop sérieuse. “En arrivant en Europe, j’ai eu des remarques de personnes me disant : “On peut vous parler normalement ou boire des bières avec vous.” Pour eux, c’était assez rare. Mais je ne veux pas généraliser non plus, il y a de nombreux prêtres et religieux qui sont très ouverts !”
Sans chercher à révolutionner les choses, Fr. Sandesh aspire à concilier tradition et ouverture. “L’Église doit maintenir cet équilibre. La tradition est importante mais je crois qu’il faut un peu plus d’ouverture pour que les gens comprennent ce qui nous anime.” Ainsi en témoigne sa casquette de baseball flanquée d’un Tau !

DÉPASSER POUR CRÉER DU DIALOGUE
Mais cette présence sur les réseaux le place aussi “sur le front : les gens qui sont en colère envers l’Église la relâchent sur moi. Certains commentaires haineux disent aussi que je transforme l’Église en boîte de nuit”. Loin de se décourager, Fr. Sandesh répond : “Ok, je suis DJ et alors” !
Parfois, des personnes – souvent plus âgées – critiquent cette présence pro-active sur les réseaux sociaux. Fr. Sandesh entend alors des remarques comme : “Les jeunes voient ce que vous faites en ligne et ils oublient aussitôt !”. Sa réponse est directe : “J’ai instauré une rencontre un samedi par mois lors de laquelle j’invite tous les followers de chaque réseau à se rendre dans notre couvent pour une petite fête. Je leur montre notre Église et cette rencontre permet d’ouvrir un dialogue”. Preuve que l’on peut faire le buzz sur la toile tout en ayant les deux pieds dans son couvent !

Henri DE MAUDUIT 

BIOGRAPHIE

Né à Bangalore, en Inde, en 1980 et entré chez les franciscains à l’âge de 17 ans, Fr. Sandesh Manuel a été ordonné prêtre en 2009. Cinq ans plus tard, il rejoint la Province d’Autriche pour y étudier le jazz et la pop dans un conservatoire privé à Vienne. Le 26 avril 2022, il a publié Der Herrgott hat gelacht. Mein Leben mit Hip-Hop und Kloster (en français “Le Seigneur a ri. Ma vie avec le hip-hop et le monastère”) où il revient avec autodérision sur sa vocation.

Retrouvez Fr. Sandesh sur la toile :
YouTube / Instagram / Facebook / TikTok : Sandesh Manuel
Site Web : www.sandeshmanuel.com

Livre :
Der Herrgott hat gelacht. Mein Leben mit Hip-Hop und Kloster, Éditions Kösel-Verlag, avril 2022, 176 p., 18 €.