Fondée en 1899, la revue Études franciscaines est placée sous la responsabilité des Frères mineurs capucins de la province de France. Après une interruption dans les années 70, un second souffle lui a été donné en 2008 notamment par Pierre Moracchini, son actuel rédacteur en chef, historien et bibliothécaire des capucins. Le dernier numéro publie les actes du colloque de la rencontre entre saint François et le Sultan Malek al-Kamil, célébrée en 2019.

« Études franciscaines est à ce jour le seul périodique scientifique francophone qui traite du franciscanisme. Mais pour moi, précise d’emblée Pierre Moracchini, “scientifique” ne veut pas dire forcément “érudit” ou réservé à des érudits. » Dans son petit bureau parisien, entre des piles de livres et de divers documents, il nous raconte avec passion l’histoire de cette revue et le travail auquel il se consacre avec énergie depuis 2008.

« À l’origine de la revue, le monde franciscain pouvait tout à fait fonctionner sur lui-même. Il y avait beaucoup de frères et de chercheurs à l’intérieur même de l’Ordre. Dans les premiers numéros, ce sont donc essentiellement des frères qui écrivent. Aujourd’hui, c’est le contraire : la majorité des contributeurs ne sont plus des frères, y compris dans le comité de rédaction. » L’historien de formation tient à préciser que la publication n’est pas « une revue d’histoire franciscaine. Elle essaye de produire des articles dans tous les domaines qui touchent au franciscanisme : ça peut être la théologie, de la philosophie franciscaine, etc. »

UNE DOUBLE EXIGENCE

Lorsqu’on lui demande à qui s’adresse la revue, il insiste sur un point : si son public est essentiellement constitué de chercheurs, la revue est aussi destinée à toute la famille franciscaine, « du fin fond d’un monastère de clarisses jusqu’au jeune qui prépare une thèse. On s’adresse à la fois à ces deux publics. » Une diversité qui impacte le contenu éditorial. Cela transparaît dans certains choix comme celui de systématiquement accompagner les textes en latin de leur traduction française. « Pour moi c’est essentiel, c’est la différence entre une revue d’érudition et une revue qui a aussi pour but d’être lue dans un monastère de clarisses ou par des frères qui ne sont pas forcément des latinistes. »

Études franciscaines se doit d’être accessible car la revue porte en elle une « certaine conception de la vie franciscaine. Nous sommes tous frères et j’ai envie qu’elle soit accessible au plus grand monde. Faire de l’élitisme, je considérerai ça comme un reproche. En même temps, c’est extrêmement difficile car tout ne peut pas être toujours simple, on ne peut pas sans cesse réexpliquer sinon on n’avance pas ! »

UN RÉSEAU AUTOUR DE LA REVUE

Son bureau est niché au cœur de la bibliothèque des capucins. Pierre Moracchini confie que ce lieu joue un rôle non négligeable pour la revue : « Si on peut la faire, c’est parce qu’elle est adossée à une bibliothèque. Pour moi c’est essentiel car elle est un peu le vivier de la revue. S’il n’y avait pas la bibliothèque, il y a des tas d’auteurs ou de futurs auteurs qui m’échapperaient totalement. Souvent ça commence en discutant avec eux, quand ils viennent pour leurs recherches. Mais, insiste-t-il, l’accès à la bibliothèque n’est pas réservé qu’aux chercheurs : c’est aussi pour toute personne qui s’intéresse au franciscanisme. »

Sa mission ici est donc plurielle et particulièrement relationnelle. L’accueil des jeunes qui viennent effectuer leurs recherches à la bibliothèque permet également de faire du lien entre la revue et l’École franciscaine : « Je peux aussi bien leur demander un article pour Études franciscaines que d’intervenir dans un séminaire de l’École franciscaine. Un jeune chercheur est autant intéressé par l’un que par l’autre. »

PARTICIPER AU CONCERT DE LA RECHERCHE

« Aujourd’hui, l’état d’esprit qui nous anime c’est d’être un peu une interface entre la recherche qui se fait dans les universités, purement intellectuelle, et puis nous, famille franciscaine ». Pour son rédacteur en chef, il est important que cette revue ne dorme pas sur une étagère mais fasse au contraire progresser la recherche et la spiritualité franciscaine. Il se réjouit quand « on me dit qu’un jeune qui prépare sa thèse va utiliser notre revue, c’est là qu’on voit qu’on est utiles. D’ailleurs, glisse-t-il, j’espère que dans la famille franciscaine, on est heureux d’avoir ces gens-là qui font des nouvelles recherches ! » Études franciscaines témoigne ici de son ADN missionnaire. Lors de son redémarrage en 2008, Fr. André Ménard, alors provincial des capucins, estimait qu’il manquait quelque chose du point de vue de la vie intellectuelle dans la vie franciscaine, « qu’on n’avait pas à se contenter de simplement vivre. Dans les débats d’aujourd’hui, ça peut être intéressant de penser ce que l’on vit, pouvoir échanger avec d’autres. »

Le dernier numéro en est un très bel exemple. Après de longs mois de travail, il publie les actes du colloque « Saint François et le Sultan – Fécondité d’une rencontre », qui s’est déroulé les 25 et 26 octobre 2019 au Centre Sèvres à Paris. L’historien attire notre attention sur les conclusions, prononcées lors du colloque et retravaillées dans ce numéro, de Dominique Avon, directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE). Un appel à approfondir le dialogue islamo-chrétien aujourd’hui. « Il a su rassembler comme une gerbe tout ce qui a pu être dit pendant ce colloque en le retournant aux frères : “Aujourd’hui, qu’est-ce que vous en faites ?” »

Henri DE MAUDUIT 

Les actes du colloque du 8e centenaire de la rencontre de Damiette

N’hésitez pas à vous procurer les actes du colloque organisé par l’École franciscaine de Paris à l’occasion du 8e centenaire de la rencontre entre saint François et le Sultan. Voici le sommaire :

  • Catherine Vincent – La « chrétienté » au début du XIIIe siècle.
  • Azza Heikal – Saint François d’Assise et le sultan Al Kâmil.
  • Jean-Baptiste Auberger – Sources occidentales de la rencontre du saint et du sultan en 1219.
  • François Delmas-Goyon – L’impact de la rencontre avec le sultan sur la pensée et les écrits de François d’Assise.
  • Bartolomeo Pirone – À propos d’un rahib chez le sultan al-Malik al-Kamil.
  • Camille Rouxpetel – Les franciscains de la Custodie de Terre sainte à la période mamelouke : des Orientaux comme les autres ?
  • Bernard Heyberger – Les frères mineurs de la Terre Sainte entre régime ottoman et Réforme catholique (XVIIe-début XIXe siècles).
  • Stéphane Sudour – Jean-Mohammed Abd-el-Jalil, héritier de saint François.
  • Paolo Pieraccini – Le père Jérôme Golubovich. Son œuvre et son regard sur la Terre Sainte.
  • Françoise Jacquin – Les affinités franciscaines de Louis Massignon. Massignon et Damiette.
  • Dominique Avon – Conclusions

Pour obtenir ce numéro, merci d’adresser un chèque de 30 € à l’ordre d’Études franciscaines, à l’adresse : Revue Études franciscaines, 32 rue Boissonade, 75014 Paris. Pour plus d’informations, contactez la bibliothèque franciscaine des capucins : bibliofranciscaine.capucins@orange.fr

Plus d’informations sur le site de la Bibliothèque franciscaine de Capucins.