« L’INFINI SEMBLE FAIRE IRRUPTION DANS LE FINI » PAR FR. ERIC MOISDON OFM
Le dictionnaire nous dit que « la contemplation consiste en un regard ou une considération assidue qui met en œuvre les sens ou/et l’intelligence et concerne un objet souvent digne d’admiration ».
Il me semble qu’au-delà d’objets particuliers (nature, texte, œuvre…), le propre de l’homme est peut-être de ne pouvoir, à contrario du reste de la création, se contenter de vivre, se reproduire, puis mourir. Il est en quête permanente, consciente ou non, active ou refoulée, d’une réponse à la question du sens de sa présence en ce monde, de la réalité de sa vie et de son inéluctable fin. Littérature, philosophie, art, religions, sont des expressions de cette quête de sens : contempler le réel pour en recevoir le mystère.
Pour un chrétien, et un franciscain, Dieu est « le sens » de tout cela. Il est la Source permanente de tout être et le maître de l’histoire que le Christ a sauvée. Toute l’œuvre de Dieu (création, rédemption, accomplissement…) est mue, pour Dieu, par la volonté de se donner, de se faire découvrir et aimer comme le « Vivant qui fait vivre ».
Néanmoins, est-ce pour ne pas nous écraser de sa lumière (« Nul ne peut voir Dieu sans mourir » Ex.), Dieu semble se cacher tout en se dévoilant ? « Dieu nous crée libre et nous attire par l’humilité de son amour » dit saint Silouane.
La contemplation n’est-elle pas alors la manière de scruter la vie, l’expérience, les événements, pour chercher à y discerner des traces de Dieu ?
Il arrive qu’une expérience de contemplation nous soit donnée à l’improviste, au cours d’un jeu d’enfant, devant un paysage, une œuvre d’art, un texte sacré, un moment d’amour ou d’amitié : l’expérience immédiate ouvre un espace sublime ; l’infini semble faire irruption dans le fini.
Mais le plus souvent, nous devons mettre en œuvre des attitudes et activités particulières pour questionner la réalité et laisser affleurer le sens : silence, présence, attention, méditation, connaissance de soi-même et de Dieu, relecture, … Et si nous voulons persévérer et progresser il nous faut organiser notre vie pour cela : lever tôt, prière, oraison, temps de break, lecture de la Parole,… Et aussi, souvent, recourir à un frère, un ami en qui trouver l’écho à cette profondeur.
Eloi Leclerc dit ce ceci de saint françois : « Le monde n’est plus pour lui un objet à dominer ou posséder ; il est la réalité splendide dans laquelle l’homme est admis à être vivant et à coopérer à la création avec tout ce qu’il vit. Et le courant de sympathie qui unit François au monde est si fort et si profond qu’il lui fait rejoindre, à travers tout être et toute vie, le grand amour créateur. Sa présence aux êtres participe à l’amour de Dieu pour sa création » Chants de sources.
Fr. Patrice Kervyn ofm, auteur de l’ouvrage « Aux sources du jardin » paru aux Editions Franciscaines en 2009.
« DEVENIR DES CONTEMPLATIFS COHÉRENTS »
Sauver la beauté du monde, ce n’est pas une lubie de poète, c’est un enjeu de santé publique, un enjeu planétaire. Alors que nous commençons à intégrer que nous nous sommes trop longtemps comportés en prédateurs, la contemplation devient un acte de foi, d’espérance, de conversion et de résistance. Notre foi est vaine si nous ne vivons pas en cohérence avec ce que nous professons. Il en va de même avec ce que la terre nous offre de plus beau : elle nous appelle à nous mobiliser.
Nommer pour faire exister : Donner vie à « la nature », c’est m’intéresser plus concrètement à sa fabuleuse diversité et ses interactions en chaîne, dont je fais moi-même partie. Apprendre à distinguer des espèces, leur place unique dans la création. Commencer à les regarder pour ce qu’elles sont : une sitelle n’est pas une alouette, un érable n’est pas un noyer, Cassiopée n’est pas la Grande Ourse. Elles me font signe. L’émerveillement grandit avec l’attention et suscite le respect.
Devenir des terriens. Notre humanité se mesure dorénavant à notre manière d’habiter la terre et à faire en sorte que tous les vivants y aient leur place, des vers de terre aux loups mal-aimés, des petits paysans aux clandestins. Il n’y a pas de planète de rechange, il n’y a qu’une terre, une seule, à partager. Me réjouir de toutes les initiatives citoyennes pour sauver des terres agricoles contre un projet d’aéroport inutile, pour l’accueil de réfugiés, contre les OGM ou pesticides… Discerner où est ma place, qui sont mes frères.
La croix et l’arbre de Vie : Le Christ a le cœur large. De la croix, il étend ses bras à la terre entière et à tout l’univers, de la fermière nourrissant ses poules à l’employé devant son ordinateur, du cerf au pélican, de la mer à la terre ferme, de la brume matinale aux nuages et aux galaxies. De sa mort jaillit la vie. Notre souffrance d’un monde qui disparaît n’aura pas le dernier mot. Un monde neuf émerge déjà autour de nous. Il est source de joie, ne passons pas à côté.
