Chers amis,
Comme vous tous, j’ai connu dans un premier temps la sidération face à l’ampleur de l’épidémie et sa réponse : ce n’est pas possible !
Et puis, l’impression que ce monde qui m’était si familier s’écroulait. Et pourtant, en me levant ce matin, j’ai été frappé par le silence que le chant des oiseaux et le soleil levant emplissaient d’espérance : à travers cette épreuve, quelque chose de neuf peut advenir.
Notre liberté est tout entière engagée dans cette épreuve : nous pouvons, certes, faire le gros dos, espérant que la maladie touche le voisin en attendant que la vie reprenne comme avant. Mais nous pouvons aussi chercher le sens profond de l’évènement, l’appel à la conversion qu’il recèle. N’était-ce pas le sens de l’appel de saint Paul, le Mercredi des Cendres : « C’est maintenant le moment favorable, c’est aujourd’hui le temps du salut » ?
Quelle expérience cette épidémie nous donne-t-elle de vivre ?
– Consentir au manque. Les étals de magasins dévalisés disent bien notre peur de manquer. Or, le manque accueilli, consenti, creuse en nous le désir de l’unique nécessaire. N’est-ce pas l’occasion de nous demander ce qui a réellement de la valeur pour nous, ce qui est vraiment nécessaire ?
– Consentir à la mort. La mort que nous avions si soigneusement ignorée, repoussée, reprend ses droits. Alors que la mort peut survenir au dépourvu, peut-être est-il temps d’apprendre à vivre ? Vivre pleinement, profondément, conscients que chaque instant est unique et donc précieux. Vais-je faire le choix de la Vie ? Pour nous chrétiens, nous reconnaissons en Jésus celui qui est « chemin, vérité et vie ».
– Consentir à la fragilité. Fragilité personnelle mais aussi du corps social que nous formons et de notre planète tout entière. Les rêves de l’homme augmenté, de l’intelligence artificielle, d’un homme affranchi de toute limite mènent à la mort. Tout n’est pas permis, tout n’est pas possible si nous voulons préserver la vie sur terre, la nôtre et celle de tous les êtres vivants, animés et inanimés.
– Consentir au temps. Tout s’arrête. Nous voici stoppés dans notre élan. La société polarisée dans une course sans fin, par l’idéologie du progrès – mais pour aller où ? – semble ébranlée, impuissante. Et nous voici invités à retrouver la saveur des petits riens, des instants partagés, de l’inattendu qui se donne à celui qui sait l’accueillir.
– Consentir à l’autre. Le confinement nous fait prendre conscience que nous sommes des êtres de relation. La Fraternité n’est pas un slogan. Elle nous fait être. Ce temps libéré va-t-il être l’occasion de soigner nos relations, d’être attentifs aux plus isolés, aux plus fragiles ?
– Consentir à faire confiance. Aucune vie en société n’est possible sans faire confiance à ceux qui sont élus précisément pour servir le bien et la cohésion de tous. Cela ne veut pas dire être d’accord sur tout et ne pas veiller à de sains contre-pouvoirs, mais la critique systématique détruit le fragile tissu d’une vie commune possible. Aidons nos élus à exercer leurs lourdes responsabilités par une attention exigeante et constructive.
– Consentir à Dieu. Le coronavirus n’est bien sûr pas envoyé par Dieu. Par contre, nous pouvons prier pour que Dieu, à travers cette épreuve, nous aide à tracer un chemin de vie, comme il a jadis ouvert un chemin à travers la Mer Rouge au peuple quittant l’esclavage de l’Égypte. Comme toujours, la Bible est une précieuse boussole sur ce chemin de libération. Je serai amené à vous proposer l’un ou l’autre texte ces prochains jours.
Frères et sœurs, accueillons ce temps qui nous est donné comme un temps de grâce, douloureux sans doute, mais qui nous purifie de tout ce qui n’est pas essentiel. Alors, après le carême, après la lente montée vers Jérusalem jusqu’au sommet du Golgotha jaillira le chant de Joie du matin de Pâques : la Vie traverse la mort, la Résurrection est déjà à l’œuvre dans nos vies.
Que le Seigneur vous donne sa paix.

Fr. Nicolas Morin, gardien de la fraternité de Besançon