À quelques dizaines de kilomètres de Rome, les franciscains du projet RIPA ont transformé leur couvent en lieu d’accueil pour personnes en difficulté. Derrière les portes, un petit miracle d’espérance et de fraternité se joue quotidiennement, loin des regards.
Perché dans les hauteurs de la ville, il offre une vue imprenable sur la région. Le couvent franciscain de Valmontone héberge depuis 2012 des personnes en réinsertion dans la société italienne. C’est une oasis de paix pour ses habitants. Frère Domenico, gardien de la fraternité, salue un à un quelques bénéficiaires, assis au soleil. Il le raconte d’emblée : « Ici, nous ne donnons pas une maison, un repas, ou une douche. Ce que nous souhaitons, c’est vivre ensemble de relations fraternelles ».
RENAÎTRE ENSEMBLE PAR L’AMOUR
L’idée d’offrir un accueil pour personnes en difficultés économiques et sociales est née à Rome, en 2010, sous l’impulsion de deux frères de la fraternité de San Francesco a Ripa. « Dans nos villes italiennes comme à Rome, beaucoup de personnes vivent dehors, sans logement. Nous avons pensé leur offrir un lieu avant tout familial », explique frère Domenico. « C’était très important pour nous, car la solitude existe réellement. Et tout le monde n’a pas, dans son entourage, une personne qui puisse l’accueillir et le soutenir dans des moments difficiles de la vie. » Aux dires des frères, la pauvreté et la précarité a explosé dans la région au cours des dernières années. En 2020, 9,4 % de la population italienne vivaient ainsi dans des conditions de « pauvreté absolue », un chiffre confirmé en juin 2021 par l’institut national italien de la statistique. Le projet RIPA (Risuscitare Insieme Per Amore – Ressusciter Ensemble Par Amour) est lancé simultanément dans trois établissements de Rome et au couvent de Valmontone. Il offre un parcours de fraternité, organisé en trois phases : l’accueil de la personne « entrante » au sein de la fraternité, une vie de plusieurs mois ou années en communauté, et sa réinsertion dans la société, suivie d’un accompagnement à distance.
LES BIENFAITS DE LA COHABITATION
Campés devant une immense gazinière en inox, Keita et Musa préparent le déjeuner dominical. Tabliers noués autour de la taille, les deux hommes s’activent au rythme d’une musique africaine. Dès leur arrivée au couvent, les bénéficiaires sont laissés libres de s’investir pour la collectivité selon leurs capacités. « Il existe peu de règles de vie, mais si la personne comprend qu’elle est reçue ici comme un frère, et que cette maison est la sienne, alors elle prend conscience de la nécessité de participer aux tâches quotidiennes », indique frère Domenico. Keita et Musa font partie des profils types de bénéficiaires accueillis par le projet RIPA. Parmi la quinzaine de personnes du couvent (quatorze hommes et une femme), beaucoup sont de jeunes émigrés arrivés en Italie par bateau. Ils cohabitent avec des Italiens anciennement à la rue, et plus récemment, avec des ex-détenus autorisés par leur maison d’arrêt à continuer une détention à domicile.
« Chaque personne est un don de Dieu. »
UN CONTRAT DE CONFIANCE
Dès le seuil du couvent franchi, l’accueil repose sur un contrat de confiance tacite avec la communauté. « Quand une personne arrive chez nous, elle porte généralement en elle beaucoup de souffrances et d’humiliations. Alors nous ne lui demandons pas d’où elle vient, ni son permis de séjour. Nous considérons que chaque personne est un don de Dieu, et qu’elle a une valeur absolue, telle qu’elle est », affirme frère Domenico. L’accueil au couvent est également gratuit et d’une durée indéterminée, « pour que nous soyons complètement libres de dire à chacun : “nous t’aimons et nous t’accueillons comme une personne” », précise le franciscain. À l’heure du déjeuner, la maison résonne de discussions animées. Les bénéficiaires se mettent au service de leurs frères : tandis que Carla, la doyenne, dirige les opérations, Yonas, ancien sans-abri, dresse la table, et Mehdi, le plus jeune du groupe, se lève pour remplir les assiettes. On ne peut qu’être interpellé par la joie simple de l’instant et l’attention avec laquelle les accueillis prennent grand soin les uns des autres. Quelques bénévoles présents ce jour-là le réaffirment : au couvent de Valmontone se joue, loin des regards, une renaissance par l’amour et la fraternité.
Claire RIOBÉ